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Le pain et les boulangers à Saint Corneille

Le pain a été longtemps l’aliment de base de la population ; il est fabriqué à base de farine et d’eau, ce qui fait que lorsque les récoltes de céréales étaient mauvaises, le pain devenait rare, voire manquait, et c’était la famine.

Certains historiens estiment qu’au moment de la Révolution, le pain représentait presque la moitié des dépenses des ménages. Vers 1900, la consommation de pain représentait encore 900 g par jour et par personne, soit environ 330 kg par an ; on est descendu à environ 120 g par jour (45 kg par an).

On comprend ainsi pourquoi l’Etat a très longtemps surveillé étroitement ce produit, et par voie de conséquence le commerce du blé, en fixant ou encadrant le prix. Les prix du pain ne sont complètement libres que depuis 1987.

Le pain est depuis l’Antiquité un élément fort de vie qu’on retrouve aussi au niveau religieux. Pendant longtemps, l’expression « gagner son pain » avait une forte signification.

Tout cela a donné dans le passé une  importance exceptionnelle au pain, et au blé qui en est le plus souvent à la base. Autrefois, on ne jetait jamais de pain. Depuis la dernière guerre et la fin des restrictions (dernières cartes de pain en janvier 1949), le pain a perdu cette valeur symbolique.

L’importance du blé et des autres céréales était telle qu’après la Révolution, la municipalité de Saint Corneille procédait régulièrement, sur instruction du préfet,  au recensement  des stocks (sur déclaration), et que des visites de contrôle étaient réalisées par des « commissaires » désignés par le conseil municipal. On en trouve mention dès les premiers registres des délibérations du conseil municipal de Saint Corneille à partir de 1792. Ces stocks pouvaient être réquisitionnés pour alimenter la population des villes ; encore fallait-il qu’ils soient suffisants pour la population locale ; ainsi, le 26 août 1793, le conseil municipal répond à une demande de réquisition de céréales pour Le Mans que « Saint Corneille ne peut obtempérer à la suite de la Réquisition ». Chaque année, le conseil municipal établissait la liste des « pauvres », nommés aussi « indigents » dans certaines délibérations. Le CCAS (centre communal d’action sociale) de l’époque était nommé « bureau de bienfaisance ». Cela permettait de distribuer du pain à ces familles.

Ainsi, en 1873, 10 familles recevaient 6 à 12 livres de pain chaque semaine. Une négociation avait lieu chaque année avec le boulanger pour fixer le prix de ce pain. Une distribution de pain pouvait aussi être décidée lors d’une occasion particulière : ainsi, le 14 juin 1856, une distribution a eu lieu à l’occasion du baptême de « Son Altesse Le Prince Impérial » pour un montant global de 10 F (versement par l’Etat). Les familles aisées faisaient de temps en temps un don au bureau de bienfaisance pour fournir du pain aux familles pauvres ; c’est notamment le cas de la famille Haëntjens (de La Perrigne) entre 1859 et 1895.

Sur notre commune, beaucoup de familles fabriquaient elles-mêmes leur pain, notamment en campagne où la plupart des maisons possédaient un four. (Quelques maisons de Saint Corneille possèdent encore un four en état de marche, à Hyre, par exemple). Mais, il n’en était pas de même dans le bourg.  

Dans certains villages, il  y avait un four collectif communal ; cela ne semble pas avoir été le cas à Saint Corneille.  En tout cas, pas après 1724, date à laquelle il y a déjà un boulanger. En effet, dans les registres d’état-civil, on trouve mention de « Honorable Jean Queston boulanger » en 1725 lors du baptême de son fils ; il s’est installé à Saint Corneille en 1724 suite à son mariage. Plus tard, de la même manière, on trouve François Jeudon « boulanger » lors de son mariage en 1756 avec Marguerite Lemée, jusqu’à son décès en 1785.

Le fait que le métier soit signalé n’était pas commun dans les registres paroissiaux du 18ème siècle ; cela veut dire que les personnes qui exerçaient ce métier faisaient l’objet d’un grand respect. Ils étaient souvent parrains ou témoins de mariage.

On ne sait pas précisément où se trouvait la boulangerie autrefois, mais il est probable qu’elle était déjà à l’endroit actuel du fait que les maisons voisines étaient occupées par d’autres commerces, et que le bourg était peu important.

Entre 1785 et 1856, nous n’avons pas (encore) trouvé d’informations sur les boulangers ou boulangères ;

mais, depuis 1864, soit environ 150 ans, on peut établir la liste :

de 1864 à 1877 : Alphonse Poirier pèrede 1970 à 1981 : Pierre Perpoil
de 1878 à 1906 : Veuve Poirierde 1982 à 1984 : Pascal Martin
de 1906 à 1915 : Alphonse Poirier filde 1985 à 1986 : Claude Relet
de 1915 à 1920 : Veuve Poirierde 1987 à 1997 : Thierry Coulon
de 1921 à 1928 : Gustave Caryde 1998 à 2004 : Sébastien Fanouillet
de 1929 à 1931 : Emile Guietde 2004 à août 2017: Pierre Vannier
de 1932 à 1955 : Maurice Boulay2017 à 2021 : Fabrice Bourgine (La Miette de Pain)
de 1956 à 1969 : Paul Besnier

Depuis le 8 avril 2021, Catherine et Sébastien Vallée reprennent la boulangerie, et lui donne le nom de “La Vallée Gourmande”.

Si aujourd’hui, les boulangers proposent une gamme large de pains très variés, c’est relativement récent. Pendant très longtemps, il y a eu le pain (miche) de 4 livres (le plus vendu) ou de 6 livres (souvent sur commande) ; puis, est venu le pain de 2 livres. La baguette que l’on connait aujourd’hui n’est arrivée que beaucoup plus tard.

Le pain de 4 livres (de même pour celui de 6 livres) était pesé et vendu au poids exact ; la différence entre la miche de pain et le poids de 4 livres était compensée par un morceau de même qualité ; ce morceau était appelé la « pesée ». Pour ceux qui étaient chargés d’aller chercher le pain, comment résister à ce morceau de pain frais ? Combien de fois avons-nous répondu à notre mère que le pain ramené à la maison faisait pile 4 livres !

Autrefois, le pain n’était pas payé à chaque passage à la boulangerie. Il y a eu les carnets ; mais avant, il y avait la baguette de coudre (noisetier). Chaque client avait sa baguette de bois, et le boulanger avait la même ; à chaque enlèvement de pain, une entaille identique était faite sur les 2 baguettes. Le client payait ensuite ses pains de façon groupée, souvent en fin de mois.

Pendant longtemps, le boulanger de Saint Corneille a eu aussi une activité de cafetier. Il est difficile de préciser à quelle date cela a commencé. Lors du recensement de 1906, la boulangerie avait une activité de café ; cette double activité existait donc du temps de la famille Poirier ou a été créée par eux. Il y avait même une salle de bal (accès par la petite allée, rue du Coudray, le long de la boulangerie). L’activité de café s’est arrêtée lors du départ de Paul Besnier.

Rédacteur M. Gilbert Paulin

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