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La guerre de 1870-71 à Saint Corneille

La guerre de 1870-71 n’a pas épargné notre commune, même si Saint Corneille a été beaucoup moins touchée que Champagné, Yvré l’Evêque, Changé ou Le Mans.

Des hommes de Saint Corneille sont morts lors de cette guerre en dehors de la Sarthe, et par ailleurs, notre commune a été le théâtre de combats le 12 janvier 1871.

La guerre de 1870-71 est beaucoup moins connue que celles de 1914-18 et de 1939-45 ; certes, elle date de plus de 150 ans et n’a pas duré aussi longtemps que les autres. Pourtant, elle a eu des conséquences importantes pour notre pays, notamment la perte de l’Alsace et de la Moselle, et la fin du Second Empire de Napoléon III au profit de la 3ème République.

Le 19 juillet 1870, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse, alliée à une vingtaine d’autres états allemands (c’est à l’issue de cette guerre que l’Allemagne est unifiée).

Début août, les armées allemandes envahissent l’est de la France et bousculent l’armée française dans une série de batailles. Le 2 septembre, lors de la bataille de Sedan, l’empereur Napoléon III est fait prisonnier. Le 4 septembre, la 3ème République est proclamée et le Gouvernement de la Défense Nationale décide de poursuivre la guerre pour éviter la perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine.

Les Prussiens poursuivent leur avancée et encerclent Paris à partir du 19 septembre ; c’est le début d’un siège qui durera 4 mois.

L’ennemi avance dans le nord et surtout descend vers le sud et l’ouest ; l’armée de la Loire est battue à Orléans en octobre. Les armées allemandes avancent toujours vers l’ouest, malgré la résistance des troupes françaises en Beauce et dans le Perche en décembre.

Le général Chanzy a alors pour objectif de reformer l’armée de la Loire au Mans afin de repartir en direction de Paris. Mais, début janvier 1871, les troupes ennemies entrent en Sarthe par la vallée de l’Huisne et traversent le Loir. L’affrontement principal a lieu les 11 et 12 janvier sur Auvours, Changé, le Tertre Rouge. Dans le même temps, l’armée française essaye de contenir l’avancée des troupes prussiennes sur le secteur Beillé/Lombron/Montfort, puis Sillé/ Saint Corneille/ Savigné.

C’est le 12 janvier que Saint Corneille connait les combats. Ce jour-là, il y avait de la neige, du verglas et il faisait très froid.

Combat de Hyre

Théophile Couronnet, garde mobile d’Eure-et-Loir, raconte dans son livre qu’après avoir passé la nuit couché dans la neige près de Lombron, il arrive avec son bataillon vers 10 h près de Saint Corneille, à proximité d’une compagnie  du 56ème régiment de marche : « Vers les 11h, notre commandant vint à pied visiter nos positions en nous signalant que l’ennemi portait actuellement tous ses efforts sur le château de Hire, situé devant nous sur une éminence. Le feu était en effet soutenu, mais nous ne voyions rien. Un malheureux lignard fut tué sur la route près de nous. Le lieutenant l’ensevelit dans un fossé. Nous aperçûmes des Prussiens derrière une haie. Nous ouvrîmes le feu et le lieutenant commanda une attaque à la baïonnette. Il  se mit à notre tête. … Arrivés à une dizaine de mètres de l’ennemi, nous essuyâmes un feu nourri qui nous empêcha d’aborder les Prussiens. Nous  étions dans un chemin creux et l’ennemi était masqué par des haies escarpées, impénétrables car couvertes de neige et de glace. …

Vers 13h, nous nous rabattîmes sur le village. L’entrée en était encombrée par des caisses de biscuit, et quand nous voulûmes y pénétrer, nous aperçûmes, à vingt pas devant nous, des Prussiens qui y entraient aussi, en brisant tout sur leur passage. Nous rebroussâmes chemin prudemment en traversant haies et jardins afin de regagner le château de Hire. Et malgré un feu des plus vifs, nous descendîmes l’allée qui conduisait au château en nous cachant derrière les gros arbres qui la bordaient.

Parvenus dans la cour de la ferme, je remarquai un grand nombre de soldats du 56ème de ligne qui s’y étaient réfugiés, les uns embusqués dans les lucarnes des écuries, les autres cachés dans les embrasures des fenêtres. … Nos officiers se concertèrent alors puis revinrent nous voir en nous demandant s’il nous restait des cartouches ; nous n’en avions pratiquement plus. C’est alors que nous vîmes quelques lignards se présenter à la grille de la ferme, la crosse du fusil en l’air. Les Prussiens qui arrivaient à leur rencontre, abrités derrière les arbres, leur arrachèrent les fusils des mains. L’un des nôtres, Alsacien de naissance, se porta au-devant d’eux et nous traduisit les ordres de l’ennemi. Il fallait abandonner fusils et cartouches, sortir de la cour et se ranger par quatre le long du mur. … ».

C’est ainsi que 390 soldats et gardes mobiles furent faits prisonniers et conduits dans l’église de Montfort.

Ce 12 janvier au matin, l’état-major se trouvait à la ferme de la Paumerie.

Dans les mémoires du maréchal prussien von Moltke, on peut lire : « Par une attaque enveloppante, on enleva à 4 heures le château de Hyre et Saint Corneille, et l’on fit prisonniers 500 Français, puis l’ennemi fut encore refoulé derrière le ruisseau de la (Vive) Parence où l’avant-garde fit halte à la tombée de la nuit. » a duré environ 5 heures

L’occupation du bourg de Saint Corneille semble s’être traduite par du pillage ; en effet, l’abbé Hervé, aumônier à la Garde mobile d’Eure-et-Loir,  arrivant à Saint Corneille le 13 au matin, a vu « le bon curé désolé du pillage de son église ». Ce curé était Pierre Blossier, nommé à ce poste depuis 12 jours en remplacement de Victor Leveillé, décédé le 15 jours plus tôt.

Combat de Touvoie/pont de La Houssaye

Saint Corneille étant prise par les Prussiens, les troupes françaises se replient en direction de Savigné, luttant pas à pas pour tenter d’arrêter l’avancée ennemie, à la Perrigne, l’Ormeau, puis à La Houssaye et Touvoie au bord de la rivière Vive Parence. Les Français opposent une vive résistance  pour éviter le franchissement de la rivière par l’ennemi. Cela se traduit par de nombreux morts et blessés des 2 côtés.

Plusieurs blessés décèdent à l’ambulance (infirmerie militaire temporaire) de l’Ormeau. D’autres sont transportés sur Savigné ; c’est notamment le cas de Septime Lepipre, artiste peintre, installé près de Bayeux, capitaine au 15ème régiment de la Garde Mobile du Calvados. Celui-ci est gravement blessé en fin d’après-midi ; il est d’abord conduit à la ferme du Prieuré où il reçoit les premiers soins de la part de médecins allemands, puis est emmené au presbytère de Savigné où il décèdera 10 jours plus tard.

Suite à la décision de retraite prise par le général Chanzy, l’armée française remonte ensuite vers le nord-ouest de la Sarthe, poursuivie par l’armée prussienne ; l’armistice intervient deux semaines plus tard, le 28 janvier.

La journée du 12 janvier à Saint Corneille a été fatale à plusieurs combattants des deux côtés. Il est difficile de connaître le nombre de tués et de blessés. On peut seulement approcher le nombre de morts, de deux façons différentes : d’un côté, les soldats inhumés au cimetière, de l’autre les déclarations de décès.

Ceux qui ont été tués en combattant ont souvent été enterrés sur place, puis transférés plusieurs années plus tard au cimetière. Ceux qui sont décédés dans les ambulances ou chez l’habitant après avoir été blessés ont été inhumés dans le cimetière qui se trouvait alors au pied de l’église. Tous ces corps ont ensuite été transférés dans le nouveau (actuel) cimetière dans des tombes communes, sur deux terrains avec concession perpétuelle, l’un de 4 mètres où reposent 22 Français, l’autre de 2 mètres pour 3 allemands. Ces deux tombes, situées au fond de la partie ancienne du cimetière, sont entourées de grilles en fer.

Les déclarations de décès de militaires figurant sur le registre d’état-civil de Saint Corneille pour la journée du 12 janvier et jours suivants sont au nombre de 9. S’y ajoutent un décès déclaré la 11 janvier et un le 27 décembre 1870. Ces décès correspondent à des soldats qui ont succombé à leurs blessures dans une ambulance et deux chez des habitants ; ils ont probablement été inhumés dans le cimetière de la commune, et font donc partie des 22 soldats français de la tombe commune, sachant que ceux qui ont été tués et enterrés sur place ne sont pas connus.

3 hommes de Saint Corneille morts à la guerre

Dans le registre des décès, figurent 3 hommes de Saint Corneille qui sont morts ailleurs suite à des blessures au combat :

  • Louis Lemaître, soldat décédé à 30 ans à Paris-Val de Grâce, le 20 octobre 1870, blessé le 1er octobre au début du siège de Paris ; Il avait fait auparavant 7 ans de service militaire suite au tirage au sort
  • Henri Blot, garde mobile de la Sarthe décédé à 24 ans à l’ambulance d’Alençon, le 28 janvier 1871
  • Armand Choplin, garde mobile du Var (armée de l’Est), décédé à 47 ans à l’hôpital militaire de La Croix-Rousse à LLyon, le 26 mai 1871, après y être entré le 23 janvier.

Conséquences de la guerre

Le maire de notre commune était à l’époque Alfred Haëntjens, député bonapartiste, mais opposé à la guerre. Il a dû faire voter par le conseil municipal,  le 20 novembre 1870, une contribution de la commune de 1001,87 francs « pour frais d’habillement, d’équipement, d’armement et pour solde de 3 mois des garçons mobilisés », et cela a été financé par une augmentation des impôts.

Après la guerre, la commune a dû payer les réquisitions faites pour « subvenir à l’entretien de l’armée allemande » pour un montant de 2530 francs. Le maire a alors prêté personnellement 1720 francs à la commune.

Il reste peu de traces de cette guerre ; hormis les tombes militaires dans le fond du cimetière qui viennent d’être remises en état, il y avait un « calvaire commémoratif » sur un terrain privé près du cimetière qui a été démoli à la fin des années 1980 (voir photo) rappelant la journée du 12 janvier 1871.

Une plaque portant les noms des 3 hommes de Saint Corneille morts lors de cette guerre vient d’être apposée sur le Monument aux Morts de la commune.

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